Au cœur de la Paris Fashion Week, le défilé Anrealage Printemps/Été 2026 a offert un moment suspendu entre manifeste artistique et prouesse technique. Sous le thème du symbole « ♡ », Kunihiko Morinaga, fondateur du label japonais, a cherché à traduire ce battement vital — le cœur, la pulsation, la preuve d’existence — en une collection où la technologie devient l’écrin d’une émotion humaine.
Derrière la poésie du podium se cachait une collaboration inattendue : Heralbony, plateforme artistique japonaise dédiée à la valorisation d’artistes en situation de handicap, et Kyocera Document Solutions, qui a mis à disposition sa technologie d’impression textile durable Forearth. Ensemble, ils ont donné naissance à trente silhouettes, dont vingt-six imprimées numériquement à partir d’œuvres originales issues de l’univers Heralbony.
Reproduire sur textile la texture d’une peinture sans en trahir la spontanéité relevait du défi. La technologie de Kyocera, capable de moduler finement le volume d’encre, a permis de restituer les moindres nuances : pression du pinceau, densité du pigment, transitions chromatiques.
Le résultat : des robes et accessoires — sacs, chaussures — traversés d’une lumière intérieure, comme si le motif lui-même respirait. Ici, la technologie ne remplace pas la main de l’artiste ; elle la prolonge et la rend sensible.
Depuis quelques saisons, les discours sur la durabilité se multiplient sur les podiums, souvent au risque d’un simple effet vitrine. Selon Kyocera, cette technologie réduirait la consommation d’eau de 99,98 % par rapport aux méthodes analogiques traditionnelles — un chiffre impressionnant, qu’il conviendra toutefois d’évaluer à plus grande échelle.
L’impression textile responsable demeure, pour l’heure, une innovation d’exception, réservée aux collections capsules et aux collaborations prestigieuses. Son véritable défi sera de quitter le laboratoire pour s’ancrer dans la production courante — là où se joue la crédibilité écologique du secteur de la mode.
Mais au-delà de la prouesse, cette collaboration explore un territoire plus profond : celui de l’inclusion créative. En mettant en lumière des créateurs Heralbony, Morinaga bouscule la hiérarchie silencieuse du monde de l’art et de la mode.
Leurs œuvres ne sont pas « adaptées », elles inspirent. Chaque robe porte la singularité d’un geste, d’un regard, d’un rythme intérieur. Dans ce dialogue entre art et vêtement, Anrealage réussit à faire battre le cœur de sa collection au tempo d’une humanité plurielle.
En collaborant une nouvelle fois avec Kyocera, le créateur ne cherche pas à prouver sa modernité, mais à donner une âme à l’innovation. La mode devient ici un laboratoire de sensibilité, où création et technologie ne s’opposent plus.
Koji Hirano. Courtesy of Kyocera