Avec Birthing, Swans signe une œuvre extrême et crépusculaire, fruit d’un long processus scénique. Michael Gira y met un point final à une vision sonore hors norme.
Conçu en grande partie au fil de la tournée 2023–2024, Birthing de Swans tire sa force d’un processus organique : celui du concert, de l’improvisation, de l’épuisement scénique comme ferment de création. Cette approche confère à l’album une intensité brute, capturant l’énergie du live tout en explorant des arrangements complexes.
Avec Birthing, Swans accouche d’un monde sonore total, viscéral et implacable, à la hauteur de sa légende. Ce dix-septième album studio, annoncé comme la dernière grande odyssée orchestrale de Michael Gira en tant que producteur et démiurge sonore, s’impose comme un testament sonore d’une puissance rare, mêlant les extrêmes de l’intime et de l’immense.
Dès les premières minutes, l’album installe une tension sourde, presque rituelle. Les textures, denses et mouvantes, évoquent la matière primordiale du titre : Birthing n’est pas seulement un album, c’est un processus. L’orchestration, d’une richesse vertigineuse, mêle lap steel guitar incandescente, taishōgoto aux accents japonisants, percussions chamaniques, nappes de Mellotron et chants polyphoniques incantatoires. On navigue entre extase mystique et pesanteur terrestre, entre chant funèbre et cri de renaissance.
Chaque morceau semble naître lentement, douloureusement, comme extrait d’un magma intérieur, puis s’étire, se transforme, se contorsionne. The Healers, I Am a Tower, Birthing, ou encore Guardian Spirit ont pris forme au fil de l’endurance, dans une alchimie unique entre Gira et ses musiciens. Seuls deux titres — Red Yellow et The Merge — ont vu le jour directement en studio, ce qui témoigne de l’importance cruciale du live dans cette dernière mouture de Swans, version monumentale.
Ce disque marque une rupture assumée. Gira l’affirme : Birthing sera son ultime projet dans ce format. « Mon dernier voyage dans ces mondes sonores dévorants », écrit-il.
Birthing est une œuvre-somme, un adieu grandiose. Ce disque-fleuve de plus de deux heures, où chaque morceau s’étire, se transforme et s’impose comme une expérience sensorielle totale. Par sa densité et sa profondeur, cet opus confirme la place centrale de Swans dans le paysage de la musique expérimentale contemporaine.
★★★★½
Photo by Josef Puleo