Luster : un voyage sensoriel signé Maria Somerville

Maria Somerville

Entre ambient brumeux, shoegaze feutré et folk spectral, Maria Somerville signe avec Luster un disque sensible et maîtrisé, publié sur le prestigieux label 4AD. Une plongée envoûtante dans un monde à la fois intime et mystique.

Composé dans une maison isolée au bord du Lough Corrib, Luster s’impose comme une œuvre d’atmosphère plus que de narration. Dès les premières mesures, les textures sonores éthérées convoquent la lande, la mer, le vent — non pas comme toile de fond, mais comme matière vivante de la composition. Chez Somerville, l’environnement n’est jamais un décor, mais un protagoniste à part entière. Sa dream pop est habitée, presque chamanique : une musique du sol, du souvenir et du silence entre deux tempêtes.

La voix de Somerville y flotte comme une présence discrète, mais magnétique. Les collaborations choisies avec soin — la harpiste Róisín Berkeley, Ian Lynch de Lankum, ou encore le producteur Diego Herrera (Suzanne Kraft) sur le sublime “Garden” — viennent densifier l’univers sans le surcharger. La production, minutieuse, évite les effets faciles : ici, aucun mur du son étouffant, mais une dynamique nuancée, où chaque élément conserve son souffle.

Les singles publiés en amont ont habilement esquissé le spectre émotionnel de Luster. « Spring » installe une tension hypnotique ; « Stonefly » explore un équilibre instable entre shoegaze cotonneux et folk atmosphérique. Quant à « Projections », c’est une pièce maîtresse : une ballade où basse et guitares feutrées évoquent un My Bloody Valentine au ralenti, comme émergé d’un songe. Là où d’autres auraient cédé à la saturation, Somerville privilégie la respiration, le détail, l’organique.

Avec Luster, Maria Somerville offre bien plus qu’une relecture de la dream pop : elle en extrait une essence plus organique, plus ancrée, qui échappe aux clichés du genre pour renouer avec une forme de sacré. Elle parvient à inscrire son paysage intérieur dans un décor rude, presque mystique. C’est un album qui touche juste — comme une brume qui s’infiltre lentement, et ne vous quitte plus.

★★★★☆

Photo by Cáit Fahey

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